07/11/2017
Leïla Slimani nommée représentante d'Emmanuel Macron à la Francophonie
Leïla Slimani aime déjouer ce que l’on attend d’elle. À peine remplacée par Eric Vuillard qui décroche, un an après elle, le prestigieux Goncourt, la romancière de 36 ans fait à nouveau parler d’elle. Non comme écrivaine, cette fois, mais comme héraut de la langue et des valeurs françaises. L’auteure franco-marocaine a été nommée, lundi 6 novembre, au poste de représentante personnelle d’Emmanuel Macron pour la Francophonie.
Sa nomination est un nouvel exemple de la prédilection du chef d'État en faveur des "experts" reconnus dans leur domaine, plutôt que des profils politiques pour mener des missions au nom de la présidence. La mission de Leïla Slimani, donc, consistera à porter "au plus haut le rayonnement et la promotion de la langue française et du plurilinguisme", a déclaré l'Élysée dans un communiqué. Concrètement, elle portera des projets portant sur "l’éducation, la culture, l’égalité femmes-hommes, l’insertion professionnelle et la mobilité des jeunes, la lutte contre le dérèglement climatique et le développement du numérique". Une mission élargie pour cette femme engagée.
Une femme libre et engagée
Dans son dernier livre "Sexe et mensonges - La vie sexuelle au Maroc" (Les Arènes), Leïla Slimani se fait le chantre de la cause féminine, en défendant une sexualité libre pour les Marocaines. Sur le blog Le 360, elle a également pris position pour l'interdiction de la burqa qu'elle considère comme un "instrument d'oppression, une atroce négation de la femme, une insulte à la moitié de l'humanité". En mars 2017, elle appelait à l'indignation après la condamnation d'une Marocaine à deux ans de prison pour adultère.
Une prise de position non sans risque pour cette Franco-Marocaine née en 1981 à Rabat d’une mère mi-alsacienne, mi-algérienne et d’un père marocain, des parents "très libres". "Mes parents étaient amoureux des livres et ils nous ont élevés de manière assez marginale en considérant que la liberté et la subversion étaient incontournables", avait-elle raconté à France 24, lors d’une première rencontre en 2015.
À Rabat, elle étudie au lycée français et parle à peine l’arabe, ses parents ayant toujours privilégié le français à la maison. Le bac en poche, elle quitte le Maroc pour la France à l’âge de 18 ans et entre à Sciences-Po Paris puis à l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP), section média. Diplômée, elle est embauchée au journal "Jeune Afrique" où elle passe cinq ans, mais "la vie dans une rédaction, c’est pas [s]on truc". Elle démissionne pour se consacrer à l’écriture. Après un premier roman autobiographique resté au fond d’un tiroir – "dans l’écriture, il faut savoir jeter", confiait-t-elle – c’est l’affaire DSK en 2011 qui lui donne l’idée de son premier roman, "Dans le jardin de l’ogre", un récit cru et froid sur l’addiction sexuelle déclinée au féminin.
Dans le sillage présidentiel
Depuis ce premier opus, récompensé par le prix de la Mamounia de Marrakech, la jeune femme douce et discrète a fait du chemin. Son deuxième ouvrage "Chanson douce", dans lequel elle poursuit son exploration de la "noirceur humaine", remporte le Goncourt en novembre 2016 et interpelle le couple Macron, séduit par cette plume aussi délicate que dérangeante.
Les destinées de la romancière et des Macron ont commencé à se croiser pendant la campagne présidentielle. L’auteur avait appelé à voter pour le candidat d’En Marche dans les colonnes du Parien, pour "deux raisons" : "D’abord pour contrer Marine Le Pen, qui représente à mes yeux le pire pour l’avenir de la France. […] Mais aussi par adhésion", déclarait-elle le 28 avril 2017, vantant "la jeunesse" et la "modernité" du candidat.
Une fois élu, Emmanuel Macron, la garde dans le viseur. En juin dernier, elle fait partie des invités de marque ayant accompagné le couple présidentiel lors d’une visite au roi du Maroc, Mohammed VI. Le président lui aurait ensuite proposé le poste de ministre de la Culture. Une information que la jeune femme n’avait pas démentie. Interrogée sur France Inter le 28 août, elle avait botté en touche.
Une nomination qui réjouit la Francophonie
Cette fois, elle a accepté de se lancer dans l’aventure. Le chef d'État lui a remis sa lettre de mission, lundi après-midi, lors d’un rendez-vous à l’Élysée. À l’Organisation internationale de la Francophonie(OIF), on se réjouit de cette nomination. "Elle n’est pas seulement une auteure, c’est une femme engagée dont la popularité ne peut que jeter une lumière positive sur la francophonie", réagit un porte-parole de la Secrétaire générale de la Francophonie, interrogé par France 24.
Pour l’OIF, cette nomination confirme l’engagement d’Emmanuel Macron pour la francophonie. Si on a beaucoup reproché au président d'avoir, jusque-là, fait peu de cas de la francophonie – aucun ministre n’a en effet été chargé du sujet – l’OIF affirme avoir "d’excellents rapports avec l’Élysée" et travailler régulièrement avec Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État référent en la matière, rattaché au Quai d'Orsay.
Fin août, à l'occasion de la Conférence des ambassadeurs, Emmanuel Macron avait cité la francophonie comme un "facteur d'attractivité" et encouragé les diplomates à valoriser la langue française. Emmanuel Macron a ensuite promis un plan global "pour la promotion de la langue française et du plurilinguisme dans le monde" d'ici le premier semestre 2018. Devant l'Assemblée des Français de l'étranger, le chef de l'État a enfin indiqué qu'il recevrait en début d'année "intellectuels, universitaires, artistes, entreprises engagés de la francophonie à l'Élysée" pour définir une stratégie. Des initiatives que devra sans doute piloter Leïla Slimani.
Source France 24